Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/67

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crises meurtrières qu’on pouvait cette fois, à bon droit, croire la dernière, sa femme, accourue près de lui, pleine d’effroi, saisit sa main, la pressant, la caressant. Elle pleurait à chaudes larmes, et d’une voix entrecoupée, au travers des sanglots, elle répétait : « Non, Henri, non, tu ne feras pas cela, tu ne mourras pas ! tu auras pitié ! J’ai déjà perdu mon perroquet ce matin ; si tu mourais je serais trop malheureuse ! »

« C’était un ordre, ajoutait Heine, rapportant cette scène, j’ai obéi ; j’ai continué de vivre… Vous comprenez, quand on me donne de bonnes raisons… »

Le poète prenait un plaisir extrême à conter cette histoire ; il la répétait complaisamment à tout venant, très amusé de la forme burlesque que pouvait prendre le désespoir dans l’esprit de sa femme.

Ce fut à la suite d’un refroidissement que sa santé empira encore : la respiration devint difficile, d’autant plus difficile que l’inflammation du larynx qu’il avait contractée s’accompagnait de spasmes des plus pénibles.

Malgré d’atroces douleurs et de terrifiantes syncopes, il regardait venir la mort sans crainte ni sans trouble, supportant avec une endurance héroïque le tourment d’une interminable et lucide