Page:Cabanis - Rapports du physique et du moral de l’homme, 1805, tome 2.djvu/280

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ne déguise ses erreurs, qu’en laissant, ou donnant avec art, aux mots qu’il emploie, des sens indéterminés. Un peuple dont la langue est bien faite, doit nécessairement, à la longue, se débarrasser de tous ses préjugés, porter le flambeau de la raison dans toutes les questions qui l’intéressent, compléter les sciences, agrandir les arts : il doit donner des bases solides à sa liberté, accroître journellement ses jouissances et son bonheur. Un peuple dont la langue est mal faite, ne paroît guère pouvoir franchir certaines bornes dans les sciences et les arts ; il reste sur-tout nécessairement très en arrière, par rapport au perfectionnement de la société. S’il veut avancer, c’est à tâtons qu’il le fait, et presque au hasard. En s’agitant pour secouer l’erreur, il ne fait souvent que s’éloigner encore plus de la vérité. Il faut que la lumière lui vienne de ses voisins, ou que des esprits éminens la fassent luire tout-à-coup à ses yeux, comme par une espèce de révélation : et ce n’est jamais alors, sans que sa langue s’améliore considérablement, qu’il fait des progrès réels.

Voilà sur-tout ce qui fit des Grecs un peuple si supérieur, presque dès sa naissance, à