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Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/105

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persiste à ne pas revenir en France avant le roi. Or, nous qui voyons les choses de près, nous savons bien, hélas ! que la majorité des Français ne songe guère au roi maintenant, tandis que Bonaparte, au contraire, se consolide chaque jour davantage. Vous resteriez donc seule dans la vie pendant toutes les années de la jeunesse ? Vous supporteriez donc tout le faix de la gestion de Mauguet ? Et qui sait si cette entreprise ne serait pas au-dessus de vos forces ? Qui sait si vous n’échoueriez pas, sans protection, sans guide, sans aide, dans cette lourde tâche ?

Jeanne écoutait les conseils de Sylvain Aubert avec ravissement. Elle éprouvait à l’entendre soutenir par des raisons le vœu secret de son cœur une joie infinie. Pourtant, elle s’efforçait de résister encore en invoquant les derniers scrupules de sa conscience. Tandis que son cœur débordait, sa volonté demeurait ferme.

— Eh quoi ! s’écria-t-elle après un moment de silence, vous venez me tenter, vous prêtre ! Vous venez m’encourager à accepter ce dévouement de Louis, comme si, en acceptant, je ne commettais pas au profit de moi et des miens un acte de monstrueux égoïsme ! Ainsi voilà un jeune homme, un enfant presque auprès de moi, qui m’offre sa vie dans le délire de la jeunesse et de l’amour, et vous voulez que je la prenne ; que j’enferme, entre ces vieilles tours, tout son avenir plein de promesses, que je fasse de cet être, marqué pour de hautes destinées, le régis-