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Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/150

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— C’est vrai, dit le curé. Il a de l’esprit, trop d’esprit, la mémoire ornée, la parole facile, le geste heureux, l’extérieur agréable, enfin tout ce qui aurait fait jadis la fortune d’un homme de cour. Avec cela, il est incapable d’un travail soutenu, d’une application quelconque. Il ne voit jamais que la surface des sentiments et des idées. Il lit les journaux et les livres nouveaux pour en pouvoir discourir et sans en approfondir la portée. Il va à la chasse parce que c’est le passe-temps convenable d’un gentilhomme campagnard ; fait gentiment les vers, parce que son père lui a montré à tourner le quatrain en même temps qu’à tenir son épée ; baise galamment la main de sa femme en rentrant au logis, lui ramasse son éventail, court à Limoges de bonne grâce autant de fois qu’il faut pour assortir les laines de sa tapisserie, et s’étonnerait, lui aussi, qu’elle ne se trouvât pas parfaitement heureuse.

— La pauvre mademoiselle Jeanne ne nous a jamais dit ce que lui a fait souffrir le cœur léger du vicomte, alors qu’elle s’efforçait d’y faire passer son énergie. Elle rêvait une sublime maternité intellectuelle : elle espérait créer un homme à son image. Hélas ! quelle déception !

— Déception d’autant plus cruelle qu’elle a été secrète, ajouta l’abbé Aubert. Il n’y a pas un reproche à faire au vicomte. Il est parfait… et nul. Aussi de quelle tendresse jalouse Jeanne de Mauguet entoure son petit neveu ! L’avez-vous vue quelquefois le couver des