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Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/226

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Et soudain l’abîme des douleurs s’ouvrit à ses yeux. Elle s’arrêta, se retourna et marcha vers M. de Rouvré comme un automate poussé par un ressort.

Il lui prit les deux mains et l’assit à côté de lui sans parler.

Le silence recommença ; mais, cette fois, il avait un sens bien autrement clair pour les deux amants. Marguerite, vaincue et frémissante, rouge de bonheur et de confusion, abandonnait ses mains à Emmanuel. Celui-ci les serrait en attirant doucement sa maîtresse près de son cœur.

— Oui, murmura-t-il enfin, les journées sont étouffantes et longues à passer loin l’un de l’autre… Mais que les soirées sont radieuses et fraîches ! Qu’il doit faire beau sous les grands arbres, alors que tous les bruits humains sont éteints et qu’on se retrouve loin des indifférents pour rêver de poésie ou parler d’amour !… Ah ! Marguerite ! ces rapides heures sont les seules qui comptent dans la vie… les seules qui marquent dans les souvenirs et brillent sur le passé sombre comme les météores dans la nuit… La jeunesse s’enfuit si vite… aimons-nous !

La vicomtesse ne répondit pas ; mais elle écoutait tremblante et les yeux baissés. Elle avait tant rêvé de ce moment !…

Tout à coup, la cloche retentit, et des pas et des voix se firent entendre sur la terrasse. Les deux amants bondirent et s’élancèrent à dix pas l’un de l’autre.