Aller au contenu

Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La vicomtesse Marguerite lui plaisait et il souhaitait presque d’en devenir amoureux, pourvu que ce ne fût pas au point d’avoir un chagrin réel lorsqu’il lui faudrait s’en séparer, en quittant Limoges. Comme elle lui semblait timide et novice, il se plut à l’embarrasser. Il calcula aussi fort justement que le plus sûr moyen de se faire aimer était de frapper l’imagination, d’occuper de lui en n’agissant jamais qu’en sens contraire au sens prévu. On sait que ces moyens avaient eu un succès trop rapide et trop complet ; mais le séducteur aussi s’était pris au piége. Peu à peu, les étincelles de la passion qu’il allumait le brûlèrent. Il fut surpris par le déchaînement de cet amour jeune et sincère, et s’étonna de ressentir des émotions inconnues en présence de Marguerite.

La passion d’une femme séduit et entraîne toujours un homme, ne fût-ce que par la vanité. Mais Emmanuel n’était pas seulement un fat, comme l’aurait pu croire un observateur indifférent, à voir la froide stratégie avec laquelle il assiégeait le cœur de la vicomtesse. Il avait de la jeunesse et de l’ardeur. Accoutumé aux succès faciles et à la galanterie de ces coquettes qui savent répondre en tacticiennes aux attaques, il demeura étourdi par l’emportement de cette femme qui croyait sincèrement aux grandes passions, comme un duelliste émérite par les ripostes impétueuses de certains lutteurs inexpérimentés.

Il avait trop vécu déjà pour ne pas savoir combien sont rares ces amours de bonne foi qui apportent au