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Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/248

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dans la vie commune l’avait rompue, elle ne parvenait pas à dompter la fougue de jeunesse qui bouillonnait en elle. On lui découvrait des qualités et des beautés inconnues. Elle se mêlait à la conversation, discutait, donnait à ses toilettes de l’originalité et de la grâce, crêpait ses cheveux avec plus de coquetterie. M. de Rouvré, d’ailleurs, à l’occasion des vacances, rendait ses visites ostensibles de plus en plus fréquentes, et comment renoncer à briller à ses yeux ?

C’est pourquoi elle jetait à pleines mains, dans la conversation, l’esprit, la gaieté, la verve, les aperçus judicieux et profonds, lentement amassés pendant des années de contrainte. Le vicomte profitait avec joie de cette disposition de sa femme, pour laquelle il ressentait un goût tout nouveau, et tout différent des sentiments qu’elle lui avait inspirés jusqu’alors. Mademoiselle de Mauguet était fière de sa nièce, et se plaisait à l’entendre et à la voir ; M. Thonnerel s’étonnait ; les étrangers admiraient l’esprit et la grâce survenus tout à coup à la vicomtesse. Mais le curé et le docteur s’affligeaient en secret, car ils ne soupçonnaient que trop la cause de cette animation extraordinaire.

Qu’importaient à Marguerite l’engouement de son mari, l’admiration des visiteurs et l’inquiétude des vieux amis ? Elle aimait, elle était aimée… les journées pour elle s’écoulaient rapides et charmantes ; et, souvent la nuit, tandis que tout dormait, elle s’échappait de sa chambre, pour aller passer une heure déli-