Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/73

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sidérait comme un adolescent, lui semblait un rêve fou, presque coupable.

Aussi, ne cherchait-elle que le moyen d’apaiser son cœur et de faire entendre raison à Louis. Elle se promit de s’attacher avec ardeur aux études agricoles qu’elle allait entreprendre, de chercher une distraction puissante dans la lecture. Elle se dit que Louis, prêché parle curé et maintenu par elle dans les bornes d’une sévère amitié, se calmerait et oublierait, après quelques mois, une chimère irréalisable.

À ces résolutions, il lui sembla que la paix rentrait dans son cœur, car elle se croyait surtout tourmentée du remords d’avoir laissé croître la passion du jeune homme. — Il oubliera l’impression que j’ai pu lui faire comme femme, se dit-elle encore, et bientôt ne verra plus en moi qu’une vieille amie, quelque chose comme une sœur aînée ou une jeune tante ; puis, il s’attachera à une brave jeune fille et se mariera…

Mais, à cette pensée, elle se sentit tout à coup singulièrement émue. Elle chancela, s’appuya contre un arbre, et des larmes chaudes roulèrent sur ses joues.

— Oh mon Dieu ! mon Dieu ! je l’aime donc ?… murmura-t-elle, en joignant les mains et en levant les yeux au ciel.

Depuis longtemps déjà la pluie tombait avec violence, mais Jeanne ne la sentait pas. L’eau ruisselait sur son front et sur ses vêtements sans qu’elle songeât à chercher un abri. Adossée à un chêne, et les yeux