Page:Cadiot - Minuit.pdf/168

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où gisaient son grand livre et ses plumes gauchies ; tantôt Louise en toilette de mariée au bras de Moitessier ; tantôt enfin, Louise encore, Louise habillée de blanc toujours, mais sortant avec lui d’une église de Paris.

Tout cela tournoyait, se mêlait et disparaissait, pour reparaître ensuite avec des couleurs plus vives.

Et, la pirogue fendait l’eau et s’avançait vers la balise en se balançant mollement sur les vagues qui remontaient le fleuve ; et, le ciel était toujours bleu et limpide ; et, dans l’air imprégné des saveurs marines venaient mourir les bruits du port comme une harmonie lointaine.

Naigeot promenait des yeux égarés sur sa belle-sœur et sur les deux commis.

— Enfin, lui disait l’esprit tentateur, tu les tiens !… Ils sont là, en ton pouvoir… Tu peux anéantir d’un seul coup tous ces obstacles vivants qui tiennent la clé de la fortune et du bonheur… encore une heure… encore un instant… et ton sort sera décidé… et tu seras pour toujours rivé à ta misérable vie… Tu vas revoir Louise, et tu vas la ramener pour un autre… — Être stupide et sans courage !

— Eh bien ! que feras-tu ? s’écriait au dedans de lui-même une voix révoltée. — Veux-tu donc les tuer ? — Oserais-tu te faire assassin ?

Conscience ! conscience !… terrible puissance qui gît au fond de l’âme humaine, comme un écho de la justice éternelle ! Conscience ! huissier de Dieu qui somme le