Page:Cadiot - Minuit.pdf/177

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— Comment va-t-elle ce matin ? demanda Naudin à son collègue.

— Sa tête lui fait bien mal, répondit Ménard.

Naigeot frissonna. Il resta immobile devant le commis n’osant ni s’avancer ni s’enfuir.

Mais Naudin fit un pas en avant et prit familièrement le teneur de livres par le bras.

— Allons donc ! êtes-vous devenu statue, mon cher Monsieur ? dit-il. Vite ! prenez votre thé et venez au bureau !

Cette fois, Naigeot entra avec les commis, car la main de Naudin l’entraînait avec une puissance irrésistible. Il semblait au malheureux teneur de livres que cette main rougeaude et potelée entrait dans ses chairs et y imprimait sa marque comme une tenaille d’acier.

Dans les magasins, tout avait l’aspect accoutumé. Les portes qui battaient de tous côtés les faisaient ressembler à une halle ouverte aux courants d’air ; des nègres balayaient et rangeaient les balles de coton éparses. Un mulâtre époussetait les meubles du bureau vitré, où, les commis, Naigeot et sa belle-sœur avaient chacun leur fauteuil.

Tous ces gens allaient, venaient, se remuaient avec une indifférence d’esclaves et sans plus remarquer leurs maîtres.

Naigeot alla machinalement jusqu’à la salle à manger où il trouva son déjeuner préparé ; il avala son thé bouillant, mangea quelques rôties au beurre et se pro-