Page:Cadiot - Minuit.pdf/272

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vision était née d’un instant de fièvre ; en vain, s’assurait-il, par les raisonnements les plus convaincants, qu’une hallucination seule avait pu lui montrer l’ombre de sa victime au lieu et place de son propre reflet ; en vain, tâtait-il son crâne chauve et sa barbe piquante du matin pour se prouver qu’il était bien lui-même, et que la glace ne pourrait lui renvoyer que son image à lui, Manoquet, Un tremblement nerveux irrésistible, agitait tous ses membres. Chaque gradation de la lumière augmentait son angoisse au lieu de la chasser, car il avait peur comme ont peur ceux qui ne croient pas aux fantômes et qui se moquent des remords.

Enfin l’heure du lever arriva ; il fallait sortir du lit, s’habiller !

C’est-à-dire, qu’il fallait revoir ses habits sanglants il y a quelques heures, affronter le regard des siens, se mêler à la vie sociale… et passer devant des glaces ! il fallait faire sa barbe ! rester vingt minutes devant un miroir !…

Et Manoquet s’enfonçait plus avant encore dans ses oreillers. — Si je ne me levais pas ? se disait-il.

— Oui ! mais ce serait un indice… on dirait : Manoquet se lève habituellement à six heures… à sept il est habillé, rasé, coiffé… Manoquet s’est levé plus tard… il avait donc mal dormi ?

— Allons !

— Suis-je fou, d’ailleurs, de craindre en plein jour une hallucination de ténèbres ? Ces morts sont morts…