Page:Cadiot - Nouvelles.pdf/205

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l’orage et que l’eau, descendant des montagnes par torrents, emplit son lit et roule des avalanches de sable ?

— Ah ! dit le vetturino, il faut attendre…

— Attendre quoi ?

— Eh ! que l’eau ait fini de couler.

— Il est bon de ne pas être pressé, dans ce pays-ci.

— Monsieur, les gens de Lerici veulent que le pont se fasse à une certaine place, ceux de Pontremoli le veulent à une autre, et on attend qu’ils s’accordent. Ce sera long. »

Cependant on regagna cette admirable route de la Corniche qui borde les rivières de Gênes au levant et au ponant, et réunit, entre Nice et Sarzane, les plus beaux points de vue du monde.

La voiture allait lentement, tantôt montant les rampes escarpées qui pourtournent les Apennins, tantôt descendant jusque sur la plage, et si près du bord, que les courtes vagues de la Méditerranée venaient en laver les roues. Cette fois, le voyage était silencieux. La comtesse ne trouvait rien à dire, et toute son attention suffisait à peine à dissimuler, sous une sorte de somnolence, les émotions de son cœur.

L’orgueil et la terreur se disputaient alors ce cœur tourmenté. Elle se disait : « Il est beau comme un dieu…, il chante…, il est poète…,