Page:Cadiot - Nouvelles.pdf/220

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tants, et il allait falloir s’arracher de ce lieu de délices…

« Ah ! se disait-elle, le cœur plein en même temps de bonheur et de peine, je voudrais seulement qu’il sût qu’en partant je l’ai regretté…, que j’étais digne de l’apprécier…, que je sentais tout le prix de son amour… Mais pourra-t-il le deviner ?… et, si je le lui fais comprendre, pourra-t-il me laisser partir ?… Non ! même cette joie de lui faire savoir que je l’aimais, je dois me la refuser…, je me la refuserai… »

Elle s’appuya sur la balustrade et regarda la mer argentée sous les reflets de la lune…, le ciel diamanté d’étoiles…, les silhouettes élégantes du golfe ; et elle pleura.

Le bonheur même lui devenait douloureux. Elle l’avait trop attendu.

Son amant vint s’accouder auprès d’elle. Quel moment délicieux !… Il la regardait : elle se sentait regardée, et tout son sang lui refluait au cœur… Enfin, elle aussi, osa lever les yeux sur lui.

Cet échange de regards dura quelques minutes. Mais Mme de Morelay baissa bientôt les yeux, dans la crainte de trahir son fol amour. Car la soirée s’avançait : les derniers promeneurs disparaissaient, les terrasses devenaient désertes ; la comtesse sentit que la position était difficile et fausse et qu’il fallait partir…