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moutons et des bœufs, puis l’empreinte des sabots du bouvier. Tout à coup, Gerbault s’arrêta court devant celle d’un pied cambré et d’une botte fine.

« Il avait passé là. »

Gerbault reprit sa route, plus abattu, plus abasourdi par l’ivresse du malheur.

Bientôt le chemin creux rejoignit le niveau des terres, et les arbres qui le bordaient cessèrent. Un gazon fin et dru, semé de fleurettes naines qui couvraient l’espace environnant comme d’un tapis grisâtre, succéda aux herbes folles du talus et annonça le voisinage de la mer. Le chemin devint sentier et les falaises commencèrent.

Il monta, monta, sans reprendre haleine. En haut, à la crête des échancrures qui dominent la mer et se découpent à cru sur le ciel, là où jamais on ne s’avance, de peur que le sol évidé en dessous ne se dérobe, la lisière frangée de gazon semblait fraîchement effritée : quelques mottes étaient éboulées… Oh ! rien ! une touffe d’herbe, une poignée de thym : voilà tout !

« C’est là…, » se dit Gerbault tremblant.

Il s’avança, se pencha, et vit le comte en bas, mort, la carabine au poing et le crâne ouvert.

« Mon Dieu ! dit-il, je suis vengé… »

Ce fut son premier cri, son seul cri. Puis,