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renversée et la respiration égale et calme, semblait la statue du sommeil.

Une pendule ancienne, qui avait une sonnerie très-retentissante, se mit en ce moment à sonner dix heures. Sans doute, madame de Clérac pensa que le bruit avait dû percer le sommeil de sa nièce, car elle reprit :

– Tu dors, Edmée ?

La jeune fille fit un léger mouvement et murmura :

– Ma tante !

– Ah ! je croyais que tu avais entendu sonner la pendule. Tu t’es donc couchée de bonne heure ? Il est dix heures. Allons, pense à Dieu !

À dix heures, comme à toute heure.
Jésus et Marie soient dans nos cœurs :
Qu’ils y vivent, qu’ils y règnent,
Qu’ils y fassent leur demeure.

– Oui, ma tante !

C’était une habitude de madame de Clérac, qui dormait peu, d’éveiller sa nièce deux ou trois fois par nuit pour lui faire répéter cette antienne.

Peut-être voulait-elle ainsi lui donner un avant-goût du couvent et la préparer à chanter matines.

La jeune fille balbutia les dernières syllabes du dernier vers ; puis sa respiration égale et douce reprit son cours.

Mais quand sa redoutable tante, à son tour, fut couchée ; quand, à travers la porte vitrée entr’ouverte qui séparait sa chambrette de celle de madame de Clérac, Edmée entendit, elle aussi, la respiration particulière au sommeil, la jeune fille se leva en souriant et le bras accoudé sur son genou, le menton appuyé sur sa main, les yeux grands ouverts et regardant à travers l’ombre, se mit à penser.

Elle dormit peu cette nuit-là, et pensa plus qu’en toute sa vie d’enfant elle ne l’avait fait encore.