Page:Cadiot - Une femme romanesque Adrien Malaret L Exemple.pdf/332

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— Est-ce vrai ? est-ce vrai ?… demanda, par deux fois, la vieille fille, qui rougit de honte et de rage.

— Tout ce qu’il y a de plus vrai, mon amie. Ah ! c’est dur, de voir à la fois la ruine et la décadence de son pays ! En 1815, ce n’était pas comme cela, non !

— Ainsi, l’ennemi entre sans coup férir ?

— Et vous aurez demain une douzaine de Prussiens à loger, à héberger chez vous.

— Jamais !

— Comment, jamais ? Il faut pourtant vous préparer à l’événement ; car, à moins qu’on ne fasse sauter la ville…

— Jamais ! répéta mademoiselle de Maugreland, dont le visage déjà rigide s’assombrissait de plus en plus.

— Et vous les verrez arriver la première, car ils entreront par la porte Saint-Vincent, tout à côté de chez vous.

Jeanne de Maugreland secoua la tête sans répondre. Puis, un moment après :

— Et l’armée ?… dit-elle.

— L’armée, mon amie ? est-ce que nous avons une armée ? Que voulez-vous que fassent des conscrits n’ayant jamais vu le feu, lancés comme chair à canon contre la formidable artillerie de nos ennemis ? Ils ont fui comme des lièvres, pardi ! jetant leur fusil et leur sac pour courir plus vite.