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contemporains que les créoles de nos plus lointaines colonies.

J’ai passé, l’an dernier, les vacances au fond de la Creuse, chez madame de Brances, et, assurément, avant de l’avoir expérimenté je ne me serais pas imaginé rencontrer en France un pays si primitif, si naïf dans son isolement, dans son manque de points de contact avec la civilisation moderne.

Madame de Brances a soixante ans. C’est une femme d’esprit, une femme distinguée à tous égards, une femme du monde et du meilleur monde. Depuis bien des années, déjà, elle habite seule, l’hiver comme l’été, un petit manoir si bien perdu au milieu des landes, si bien caché au milieu d’un bouquet de chênes et de sapins, qu’à cent pas on ne saurait le découvrir.

Sa vie solitaire s’écoule là, entre ses livres et les occupations multipliées d’une maîtresse de maison qui gouverne un nombreux personnel de métayers et de travailleurs. Les visites du curé de la pauvre petite paroisse voisine viennent seules apporter une diversion dans cette existence d’une régularité, d’une monotonie, d’une austérité à faire passer un frisson de terreur dans l’âme de bien des femmes qui se croient peut-être détachées du monde.

Pourtant madame de Brances est riche : elle a vingt mille livres de rente, sans compter que