Page:Cadiot - Vingt jours en Espagne.pdf/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les montagnes deviennent collines et les collines elles-mêmes se fondent dans une plaine sèche et rocailleuse. Plaine étrange, qui s’en va montant insensiblement, toujours, toujours jusqu’à Madrid, sans un bois, sans une vallée, sans un arbre !

De loin en loin, des villes, ou plutôt des agglomérations de maisons, d’où ne rayonne ni commerce, ni industrie ; puis, entre-temps, d’interminables campagnes nues et désséchées ; pas un pied de vigne, pas un brin d’herbe ; ni paysans ni troupeaux. Pourtant ces jachères hâves ont dû donner de riches moissons ? Où sont-elles ? Qui les a semées, cultivées, recueillies ? Nul ne le saurait dire, à voir les vastes solitudes espagnoles qui commencent avant Burgos et vont continuer jusqu’à Cordoue.



II

BURGOS, LES SENORAS, LES ÉGLISES, LA CARTUJA


On s’arrête à Burgos : d’abord il faut se reposer ; ensuite on veut voir la Cathédrale, l’une des plus célèbres de l’Espagne ; la ville, les types de la Vieille Castille, le couvent de la Cartuja de Miraflores où se trouve le beau saint Bruno de Pereira. Et de fait voilà les senoras en robes noires et mantilles qui s’en vont à l’église, le chapelet roulé autour du bras et l’éventail à la main ; voici les mendiants légendaires aux visages fantastiques, aux loques indescriptibles, parce que rien ne saurait peindre le rapiécetage des chiffons informes dont ils se drapent ; voici les prêtres en chapeaux de Basile, les mules à grelots, le soleil et la poussière.

Un ciel bleu, un soleil torride, des maisons démantelées, des rues mal pavées à travers lesquelles errent des passants rares, des soldats et des soldats, les uns avec les culottes rouges des Français, les autres avec le casque pointu des Prussiens : un ensemble âpre et dénudé, — voilà Burgos dans le milieu du jour.

Mais quelle cathédrale au milieu de tout cela ! et comme ce monstre de pierre, au milieu de la ville, raconte bien l’his-