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sur chacune des huit façades les cercueils sont rangés par ordre de date et de succession. La reine Mercedès, morte sans enfants, n’y est pas entrée ; la place de la reine Isabelle est prête, et certes, quand Alphonse XII, à certaine date de l’année, vient là, seul, entendre une messe mortuaire, il doit ressentir une de ces émotions profondes qui étreignent tous les cœurs humains, même les cœurs des rois !

Laissons les tableaux de maîtres, les richesses de marbre, de bronze et de cristal qui sont enfermées dans l’Escurial. Nous avons vu ; nous avons senti ; nous avons évoqué l’âge de fer des temps modernes… Passons !

— Passons ! N’est ce pas là le mot final de l’humanité qui passe ? Passons donc ! et passons vite en ce temps où il faut voir beaucoup en peu de temps, où l’on veut absorber des siècles dans des heures !



IV

MADRID, LE MUSÉE, LE PRADO, LES COURSES DE TAUREAUX, ETC.


Remontons en wagon. Il faut arriver à Madrid ce soir. D’ailleurs on est fatigué ; on a besoin de souper et de dormir. Voici Madrid enfin. Mais quel bruit, quel assourdissement dans cette cour d’arrivée ! On a parlé du débarcadère de Naples et des lazzarones qui se précipitent sur les voyageurs pour arracher chacune des pièces de leur bagage. Ce n’est rien. On s’en défait avec un peu d’énergie ! Mais à Madrid il y faut aussi des coudes et des poings. Tudieu ! quelle bousculade ! On est ahuri, moulu et dépouillé de vive force de son sac de nuit et de sa valise ; puis, quand enfin on est en voiture et qu’on tend quelques sous aux faquins qui ont, malgré vous, porté deux minutes un sac ou une couverture de voyage, ils vous les jettent au nez en réclamant chacun une peseta (1 fr.). Vous vous récriez ; ils répondent que c’est le tarif. Vous demandez à voir le tarif ; ils ne le vous montrent pas, naturellement, mais ils vont chercher un quidam à casquette galonnée qui affirme qu’en effet c’est le ta-