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ici les choristes aux chefs d’emploi… On ne les affiche pas.

La dernière course finit au coucher du soleil.

Alors, des portes du cirque, la foule sort pour retrouver les voitures, omnibus et carrioles qui l’attendent. Mais il y a moins d’empressement qu’au départ. D’ailleurs les vrais amateurs vont voir le toril et contempler les cadavres dans le charnier pour juger de l’effet des coups ; des groupes se forment alentour des arènes et discutent la « corrida », tandis que le monde élégant, emporté par les voitures de maîtres, fait le tour du Buen Retiro.

À huit heures, des crieurs publics vendent sur la Puerta del Sol et dans la rue d’Alcala des placards racontant la fête, et s’il n’y a eu assez de chevaux tués, si les toros ont paru faibles à l’attaque ou à la défense, si les toreros n’ont pas bien opéré, ces placards sont de véritables pamphlets contre l’impressario, sa troupe et les éleveurs qui ne fournissent pas de bons sujets pour le combat.


V

TOLÈDE


Tolède est le musée historique de l’Espagne. Elle a été la capitale des rois goths, des rois maures, des rois catholiques ; la capitale de l’Église d’Espagne alors que l’Église y était la première puissance ; elle n’est plus aujourd’hui qu’une ville ruinée, dépeuplée, morte, qui va s’effritant chaque jour par l’incurie, l’abandon, la misère. Je ne saurais la comparer à aucune autre ville ; nulle part je n’ai vu cet amoindrissement de l’étendue, de la splendeur et de la puissance. Il y a bien Rome ; mais si Rome, dans l’antiquité ville immense, a rétréci ses limites habitées, elle est toujours restée capitale ; elle a gardé de sa grandeur des témoins comme le Colisée et les bains de Caracalla ; elle est entourée d’un désert, mais, dans ce désert étrange et sublime, surgissent à chaque pas des aqueducs gigantesques, les ruines d’un temple ou d’un palais. Enfin, elle a bâti Saint-Pierre et gardé le Capitole.