Page:Cahiers de la Quinzaine, 14e série, n°9-11, 1913.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
supplément aux Vies parallèles


ébauché une, et il avait justement trouvé cette ébauche dans les papiers de son beau-frère. Une fois ça s’expliquait par les auteurs, une fois par les comédiens, une fois par les gazettes, et une fois par les tréteaux. Tantôt c’était la faute à la cour, et tantôt c’était la faute à la ville. Tantôt c’était la faute aux gens du roi, (et peut-être au roi lui-même), et tantôt c’était la faute aux bourgeois du Marais. Il y avait aussi l’Église, et l’évêque, qui avaient affaire aux comédiens. Enfin c’était parfait. L’histoire du théâtre français était connue, percée, taraudée. C’était une histoire qui se déroulait comme un fil. L’événement avait les deux bras attachés le long du corps et les jambes en long et les deux poignets bien liés et les deux chevilles bien ligotées.

Il arriva une catastrophe. Ce fut Corneille. Nous allions notre petit bonhomme de chemin tout au long de ce long sentier de l’histoire du théâtre français. Nous aussi nous faisions nos pauvres petits pas l’un après l’autre. Mais si lentement qu’on aille on finit toujours par arriver. Nous arrivâmes en ce pays que l’on nomme Corneille. Comment nous nous cassâmes le nez au pied de cette falaise, voilà ce qu’il faudrait arriver à montrer dans des Confessions. Comme un malade qui sent venir la crise et qui se dit que cette fois ce n’est certainement pas cela ; et que ce n’est certainement rien ; (et il sait bien le contraire) ; (et il sait bien que c’est cela) ; et il s’encourage ; et il essaye de penser à autre chose ; vainement ; ainsi nous nous encouragions et nous essayions de nous faire croire que ce Corneille n’était peut-être pas Corneille ; qui sait ; cette capitale qui se levait à l’horizon, cette capitale sur laquelle nous débouchions, ce n’était peut-être pas la capitale Corneille.

32