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VIES PARALLÈLES DE M. LANSON ET DE M. ANDLER


que quand dix ou quinze ans auront passé sur la mort de ce stoïcien.

Ils devaient tout à Brunetière. Et un seul lui demeura fidèle. Je ne sais pas si dans toute l’histoire de ce monde moderne, qui sue l’ingratitude, et dont l’ingratitude est la charte et le naturel produit, il existe une seule histoire, un deuxième exemple d’une aussi générale et aussi turpide ingratitude. Ils étaient toute une génération, toute une promotion, tout un banc qui avaient été formés par Brunetière, qui devaient tout à Brunetière, qui sans Brunetière n’existaient pas. Le seul Bédier lui demeura fidèle.

Ce fut une joyeuse histoire, si elle n’avait pas été aussi tragique, et si la mort n’avait pas déjà plané sur ce grand stoïcien, que ce jour, que cette fois que l’on entreprit de nous faire croire que Brunetière n’était pas capable d’enseigner l’histoire de la littérature française au Collège de France, et où pour cette chaire qui était je crois la chaire d’éloquence française un homme osa se porter contre Brunetière ; et passa. Il en a vu d’autres, depuis, le Collège de France ; et sa vertu fut soumise à de plus dures épreuves. Mais dans ce temps-là il était encore un peu puceau.

Les jeunes gens d’aujourd’hui, mon cher Agathon, ne connaissent déjà plus toutes ces histoires. Oui, on entreprit de nous faire croire que, dans ce temps-là, dans cette génération-là, (ou plutôt dans ces générations-là, dans les aînés et les cadets de ce temps-là), il n’y avait certainement qu’un homme qui ne savait pas l’histoire de la littérature française et qui était incapable de l’enseigner. Et cet homme qui ne savait pas l’histoire de la littérature française et qui était incapable de

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