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VIES PARALLÈLES DE M. LANSON ET DE M. ANDLER


corps abandonne l’un des siens. Ces professeurs qui ont montré tant de fois de l’esprit de corps quand il s’agissait d’exercer ou d’installer un gouvernement spirituel, et un gouvernement temporel des esprits, pouvaient peut-être montrer un peu d’esprit de corps cette fois aussi, cette unique fois où par un tour de passe-passe on avait résolu de faire sauter un des leurs. Il est évident qu’ils ne devaient point se prêter à cette procédure, qui était une procédure d’escamotage. Il leur était facile de saisir l’opinion ; et l’opinion, seulement avertie, seulement éveillée, n’eût pas laissé faire. Il faut avouer que ces bourgeois et que ces fonctionnaires et que ces grands intellectuels et que ces socialistes patentés manquèrent singulièrement, cette fois, de syndicalisme. Il y a quelque chose de honteux à ce qu’une compagnie laisse tomber un de ses membres ; quand même ce ne serait pas Brunetière ; quand même c’eût été le plus ordinaire maître de conférences. Mais il y a une double honte à le laisser tomber par un aussi sournois escamotage. Le seul Bédier lui demeura fidèle.

M. Lanson était un des nourrissons de Brunetière ; et l’un de ceux qui devaient le plus à Brunetière ; et l’un de ceux qui devaient tout à Brunetière. Il ne faudrait pas croire que M. Lanson est une nature ingrate. Aussi longtemps que M. Brunetière fut puissant M. Lanson ne cacha point aux populations attardées l’admiration, le culte, la reconnaissance qu’il avait pour M. Brunetière. Mais quand l’astre de M. Brunetière commença de baisser dans les ciels intellectuels et dans les ciels politiques, et quand ce grand critique et ce grand historien fut entré dans cette pénombre, dans cette grande solitude stoïcienne de souffrance et d’héroïsme qui fit à ses

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