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Page:Cahiers de la Quinzaine - 8e série, numéros 1 à 3, 1906.djvu/270

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une inquiétude, secrète, parce qu’il est doux d’être du côté du pouvoir, de la conservation, de la tradition. Ils se hâtaient donc de consolider tout cela. De se refaire une vie, de faire une fin. Ils se formaient hâtivement en parti, politique. Ils faisaient hâtivement leur petite restauration. Ils devenaient les potentats de la vérité, les dominateurs de la justice, les tyrans de la liberté, les rois de la république, les conservateurs de la révolution, les bibliothécaires et les archivistes de cette révolution une fois faite et parfaite et que nul ne recommencerait, n’oserait recommencer jamais plus. Situation unique : ils cumulaient, ils joignaient ensemble toutes les quiétudes que donne le régime établi, la puissance, la domination, la conservation, et toutes les inquiétudes, en réalité toutes les imaginations d’inquiétudes que laisse la liberté, la faiblesse, la révolution. Ces deux jouissances contraires se faisaient valoir, se multipliaient infiniment l’une l’autre, l’une par l’autre. Ils pouvaient à la fois être heureux autant et plus que des conservateurs, que les autres conservateurs, et, comme révolutionnaires, mépriser les anciens conservateurs. Et voilà qu’en deux ou trois ans tout serait à recommencer ?

Juste au moment où ils commençaient à faire cette fin, où ils commençaient à réussir.

Nuls hommes ne sont aussi bassement conservateurs, aussi férocement réactionnaires que ces conservateurs traditionnels de la révolution, car, d’autant que leur situation est une situation unique, d’autant ils sont acharnés à la défendre. Ils se conforment ainsi au grand principe de la conservation. Ils ont à la fois tous les avantages de la solidité, politique et sociale, et