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ÈVE


Avons-nous essuyé de nos mouchoirs de poche
Ces yeux perdus de larme et ce front ruisselant.
Avons-nous essuyé du linge le plus blanc
Notre plus proche frère et notre ami plus proche.

Avons-nous essuyé des nappes de nos tables
Ce corps incorruptible et ce corps pantelant.
Avons-nous essuyé du linge le plus blanc
Le maître de nos rois et de nos connétables.

Avons-nous recueilli dans un dernier linceul
Ce corps incorrompu, ces membres déliés.
Avons-nous pas laissé mélancolique et seul
Ce grand corps détendu, ces jarrets dépliés.

Avons-nous recueilli dans un dernier suaire
Ce long corps dépendu, ces membres oubliés.
Avons-nous recueilli dans un drap mortuaire
Ces membres confondus, ces secrets publiés.

Avons-nous introduit la force de nos bras
Entre le dos saignant et la lourde matraque.
Valons-nous ces valets, ces varlets gros et gras
Qui gardaient leur seigneur au fond d’une baraque.