Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/96

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d’œuvre. Les livres de Nietzsche sont des essais au chef-d’œuvre ; mais cet Apollon est toujours dans la cage ; il fait le dieu, en vrai Phébus d’Université, à bésicles d’or ; tout de même, son char est une chaire, et son Pégase une rosse allemande harnachée de lexiques in-folio.

Nietzsche peut servir de guide à l’Enfant Prodigue dans ses routes de jeune homme. Nietzsche est une bonne méthode pour la rébellion. Et, comme à la façon des docteurs, il est ivre de ses principes et tout aveugle sur la vie, il despotise. Par là, il apprend la discipline à ceux qui n’ont point de règle intérieure. De même il satisfait l’instinct de l’art dans les demi-artistes.

Wagner vieillard, qui avait passé par toute négation, ne pouvait que lever les épaules, aux jours de Parsifal, devant ce corybante infatué qui, impuissant à toute création et incapable même de plaisir, lançait contre le monde de l’amour ses vieilles idoles de pierre, son Bacchus, son Apollon et son trépied. Il nous faut de nouveaux dieux pour posséder la vie. Mais les dieux morts ne ressuscitent pas. Wagner savait que Parsifal est vivant ; et si, pour l’offrir au monde, il fallait tourner le dos à un professeur d’orgie logique, il tournait le dos à Nietzsche.

Dostoïevski en eût fait autant, avec le même droit. Dostoïevski est l’homme de la vie, mais non pas seulement dans les livres. Parce qu’il est l’homme de la vie, son monde est le monde de la force, uniquement. Encore les Anciens sont-ils les maîtres de l’action, tandis que Nietzsche est insupportablement l’homme du cabinet et des livres. Par lui-même, il ne sait rien de la vie, rien de l’action, rien des passions ; et il donne