Page:Cahiers de la quinzaine, série 6, cahiers 1-3.djvu/726

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fermées à minuit, les gardiens ramant autour de la partie libre du canal. — Le bonnet jaune ? l’O jaune sur la poitrine ? — Des signes d’honneur, car il est plus noble d’être persécuté que persécuteur.

Pourquoi avaient-ils jamais souhaité l’émancipation ? Leur vie était concentrée en eux, complète en eux-mêmes. Mais non, ils étaient agités, condamnés à errer. Il se figurait les premiers courants inondant Venise, au commencement du treizième siècle, — les marchands allemands, les Levantins aidant à bâtir la capitale commerciale du quinzième siècle. Il voyait les derniers arrivants, les réfugiés de la Péninsule fuyant l’Inquisition, l’abri sous l’aile du Lion, négocié par leur coreligionnaire Daniel Rodrigues, consul de la République en Dalmatie. Son esprit s’arrêta un instant sur ce Daniel Rodrigues, une grande figure. Il pensait aux expédients infinis des Juifs pour échapper aux prescriptions trop dures, leur subtil refus passif de vivre à Mestre, leur relégation finale au Ghetto. Quelles sources d’énergie bouillonnaient dans ces extraordinaires ancêtres, qui unissaient le calme de l’Orient avec la