Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 2, 1912.djvu/16

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force. Sorel critique seulement la notion pascalienne de celle-ci, qui comprend tous les genres de force, tandis qu’il faut aller chercher, selon lui, dans l’économie « le type de la force arrivée à un régime pleinement automatique et pouvant ainsi s’identifier naturellement avec le droit[1]. »

Les partisans du droit naturel, la classe bourgeoise en général, ne craignent pas à l’occasion les luttes civiles et les manifestations violentes ; l’Affaire Dreyfus l’a prouvé. Mais ils aiment à se représenter toujours la force au service du droit. Entre les mains de leurs adversaires, la force publique ne leur paraît bonne qu’à violer la loi, mais s’ils s’en emparent, elle devient à leurs yeux servante de la justice. Aussi lorsqu’ils combattent les détenteurs de la force publique, ils ne se soucient pas de supprimer celle-ci[2].

« Mais la violence prolétarienne change l’aspect de tous les conflits au cours desquels on l’observe ; car elle nie la force organisée par la bourgeoisie et prétend supprimer l’État qui en forme le noyau central ». Ainsi la violence manifestée par les ouvriers durant les grèves est-elle une négation active, pour ainsi dire, des idées de droit naturel. Sorel devait considérer la violence avec sympathie ou tout au moins avec attention. Signalons dans les origines de cette estime une réaction contre l’idée de droit naturel et nous pourrons comprendre le rôle qu’elle joue dans l’éthique du syndicalisme.

La syndicalisme n’est pas une philosophie sociale créée par Sorel et quelques-uns de ses disciples ; c’est d’abord un mode confus de penser qui traduisait les

  1. Georges Sorel. Réflexions sur la violence, Avant-propos.
  2. Id., ibid.