Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 2, 1912.djvu/26

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pour produire de tels résultats d’une manière assurée, il faut faire appel à des ensembles d’images capables d’évoquer en bloc et par la seule intuition, avant toute analyse réfléchie, la masse des sentiments qui correspondent aux diverses manifestations de la guerre engagée par le socialisme contre la société moderne. « … Nous obtenons ainsi l’intuition du socialisme que le langage ne pouvait pas donner d’une manière parfaitement claire… C’est la connaissance parfaite de la philosophie bergsonienne »[1].

Quant à la justification morale de la grève générale, elle se trouve en même temps que celle de toute action directe dans l’interprétation que donne Sorel de la violence. « Son rôle, dit-il, lui apparaît singulièrement grand dans l’histoire, car elle peut opérer d’une manière indirecte sur les bourgeois pour les rappeler au sentiment de leur classe… Non seulement la violence prolétarienne peut amener la révolution future, mais encore elle semble être le seul moyen dont disposent les nations européennes abruties par l’humanitarisme pour retrouver leur ancienne énergie »[2].

C’est sur ces mots qui ouvrent à l’imagination la vaste perspective de la portée possible d’une telle philosophie qu’il convient de finir cet exposé incomplet, imparfait et restreint de la pensée sorélienne. Mais qu’il nous soit néanmoins permis, malgré l’insuffisance de l’analyse, d’énoncer les raisons qui nous font devoir à Sorel la reconnaissance due aux grands libérateurs de l’esprit humain dans notre époque, à France, à Barrès, à Maurras, à Bergson. Il a osé dire plus franchement qu’aucun autre l’utilité de l’action directe, la beauté de la violence au service de la raison. Il a ramené le

  1. Georges Sorel. Réflexions sur la violence.
  2. Id., ibid.