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la famille chez proudhon et dans la démocratie

Très réellement, la démocratie invite l’homme à être un ange, à mépriser son existence terrestre, sa mesquine vie d’ouvrier, de paysan, de père de famille ; elle le détourne de cette « mare stagnante » ; elle lui conseille « d’élargir son horizon », d’« accrocher sa charrue à une étoile » ; elle lui ordonne d’aimer tous les hommes, que dis-je, tous les êtres humains fraternellement confondus. Il n’y a même plus de sexes. C’est le paradis terrestre.

C’est le paradis terrestre. Il conduit justement, pour cela, tout droit à l’Enfer : « C’est Eloa la belle archange, amoureuse de Satan qu’il lui suffit de regarder pour se perdre. » Plus l’on a méprisé la chair, et plus l’on tombe dans l’abîme des aberrations sexuelles[1].

Voyons maintenant si les faits vérifient nos assertions, car les démocrates « sérieux » ont vite fait de crier à la calomnie dès qu’on leur sert quelques vérités désagréables.

Certes, les démocrates nous font des concessions. Ils ne bronchent pas quand on les entreprend à propos du divorce ou de l’union libre. Quand on montre que de 1871 à nos jours, la natalité est tombée de 25,4 à 18,7 pour 1,000, les démocrates se gardent bien d’observer que pareille chute s’observe actuellement dans les monarchies voisines, car celles-ci s’acheminent rapidement vers la démocratie. Mais ils objectent, — et le fait est incontestable, — que malgré le rétablissement de la monarchie, la famille française n’a cessé ni de se dissoudre, ni de s’éteindre.

  1. Si l’on se rappelle que la démocratie a pour fondateurs les marchands et les intellectuels, aussi aptes les uns que les autres à fournir d’incomparables politiciens, on comprend aisément que la démocratie détruise la famille. Les capitalistes arrachent la femme à son ménage pour la mettre au comptoir ou à l’atelier ; les intellectuels, sous le prétexte de libérer la femme, lui font prendre son foyer en horreur.