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NOTRE PREMIÈRE ANNÉE

national, on soit amené à condamner certaines formes de la vie contemporaine, rien de plus normal et de plus salutaire. Il n’y aura là nulle trace de moralisme ni de vertuisme. Il s’agira simplement d’éviter le ridicule. Je conseille à ceux qui veulent connaître la mesure du ridicule en ces matières de lire le petit livre de M. Pareto sur le Vertuisme. Page 179, ils y liront :

Cromwell, émaillant de citations bibliques les discours qu’il adresse à son armée, chez laquelle règne le fanatisme religieux, est un grand meneur d’hommes. M. Luzzatti, citant l’Évangile à une majorité dont le défaut principal est loin d’être un excès d’idéalisme et de vertu, fait simplement sourire.

Le 1er  mai 1910, la Landsgemeinde d’Uri repousse la proposition de laisser danser une fois par an, dans chaque village, et de permettre aux étrangers de danser dans les hôtels, et un grand nombre de personnes ne virent en cela rien de ridicule. Pourquoi cette différence d’appréciation ? La réponse est bien simple. La défense de danser à Uri n’est qu’une manifestation du caractère simple, sérieux, patriarcal de ce petit peuple, caractère hautement respectable et qui, par là même, enlève tout ridicule à cette manifestation.

Appliquez la même règle aux individus, et vous saurez où commence le ridicule dans cet ordre. Enfin, on fera bien de ne pas oublier qu’il s’agit pour nous de refaire, non seulement l’État, mais un peuple. Du point de vue de l’État, ce qui s’oppose à la reconstitution du peuple français est nécessairement prohibé. Cela ne nous amènera pas à faire des prêches moraux. Cela nous amène seulement à favoriser les institutions et les sentiments qui servent la santé nationale. Si vous êtes, si nous sommes néanmoins de grands pécheurs, c’est une autre question que nous ne résoudrons pas ici. Si vous vous trouvez parfois, ou souvent, sur ce chemin où, selon le scholiaste, Caton rencontra trop souvent un excellent jeune homme[1], ce n’est certes pas à nous qu’il appartiendra de vous louer ni de vous blâmer. Mais ne refaites pas la préface d’Aphrodite. Ne faites pas une doctrine de vos promenades nocturnes. Et surtout, si vous venez au nationalisme ou au syndicalisme, laissez votre immoralisme au

  1. Cf. Pareto, Op. laud, p. 169.