Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/11

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troupes assez ardentes et jouer un rôle tout à fait disproportionné tant à sa valeur intellectuelle qu’à sa valeur syndicaliste intrinsèque. Mais que signifie son dernier « avatar » ? On a parlé de « conversion ». Il n’y a pas d’expression plus fausse pour qualifier le passage d’Hervé de l’antipatriotisme à l’espèce de militarisme révolutionnaire qu’il professe aujourd’hui. La vérité, c’est que son antipatriotisme d’alors fut un antipatriotisme de défense républicaine, l’expression violente d’un loyalisme républicain dépité, un antipatriotisme qui n’était qu’un tolstoïsme ouvrier, un pacifisme prolétarien, une sorte de sangnérisme moins tartufe et tout à fait laïcisé et plus encore « vieille » que « jeune » République. Aujourd’hui, son « militarisme révolutionnaire » est encore une manière de défense républicaine, et l’expression changée, mais en apparence seulement, de son loyalisme républicain. L’attitude d’Hervé vis-à-vis de l’armée ressemble trait pour trait à l’attitude des socialistes vis-à-vis du Parlement : au début, hostilité violente, antiparlementarisme forcené, dénonciation brutale et péremptoire du « crétinisme parlementaire »[1] ; puis, cela s’atténue, on s’aperçoit un beau jour que le Parlement pourrait être un précieux instrument de propagande, une tribune retentissante du haut de laquelle on peut parler au Pays tout entier ; on y entre, on s’y installe, et le tour est joué. Le régime bourgeois a trouvé de nouveaux « paratonnerres » ; la ploutocratie s’est asurée de nouveaux séides, et l’État démocratique moderne de nouveaux et ardents soldats.

  1. Nous avons vu depuis des syndicalistes notoires, intellectuels il est vrai, après avoir, eux aussi, déblatéré plus que personne contre le parlementarisme et le règne des partis qu’il implique, se présenter à la députation et rentrer dans le sein de ces partis tant honnis. Nous voyons d’ailleurs, à l’heure actuelle, nombre de syndicalistes ex-anarchistes rejoindre les unités — sans doute pour « défendre la République », comme Hervé !