Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/28

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forcer l’autorité et écraser le mouvement ouvrier. Soit, et je suis loin de contester la vérité d’une telle argumentation ; mais la question est précisément de savoir si, la bourgeoisie ayant laissé tomber la notion romaine de l’État guerrier et conquérant, pour ne garder que celle de l’État économique, pacifiste et chinois — c’est l’évolution décrite plus haut par Proudhon — la classe ouvrière, et avec elle la civilisation, trouvent vraiment leur compte à cette transformation. Avec la guerre, c’est la question de l’État qui est posée : l’État, c’est la guerre. « Qu’est-ce que la société sans l’État. demande Proudhon, et qu’est-ce que l’État lui-même sans ce que Rousseau nomme le Prince, monarque ou magistrat héréditaire ou élu, c’est-à-dire sans la guerre faite homme et portant l’épée ? » Je sais bien que, précisément, le syndicalisme ouvrier a mis sur ses bannières : résorption de l’État par les syndicats, c’est-à-dire résorption du politique par l’économique, disparition de l’État au sein de la société civile ; et que, par suite, la guerre à l’État et la guerre à la guerre ne sont que les deux aspects de la même révolte essentielle, le syndicalisme menant ainsi logiquement à l’antimilitarisme et à l’antipatriotisme. Mais, ici, je demanderai : cette résorption de l’État dans la société civile est-elle concevable ? Et si la résistance de la société civile aux empiétements de l’État est une résistance très légitime et très nécessaire s’il est, en d’autres termes, très utile de cantonner l’État dans ses attributions essentielles, est-il imaginable que ce mouvement puisse passer à la limite et conduire à l’élimination complète de l’État ? N’est-ce pas supposer possibles : 1° la disparition au sein de l’univers de tout antagonisme, par l’égalisation de toutes les races et de toutes les cultures, et 2° la fusion même de toutes les patries au sein d’une Humanité une,