Page:Cahiers rationalistes - 1972 - n° 288-289 (extrait Hommage à Paul Langevin, La vie l’œuvre et l’action).djvu/6

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chaque année sur les plus récents travaux du professeur titulaire ou sur des sujets connexes, le jeune savant s'affirme comme un professeur aux dons d'exposition hors de pair. Lui dont le génie embrassera tous les domaines de la physique de son temps en y apportant des contributions essentielles, il va faire de son enseignement une partie vraiment intégrante de son oeuvre scientifique. Devant un auditoire intensément attentif de physiciens, de mathématiciens, de philosophes, dont certains sont ses collègues, il développe avec une générosité totale le détail de ses travaux personnels, le plus souvent inédits et auxquels on n'hésitera pas à faire de larges emprunts que l'on publiera sans même citer son nom!

Paul Langevin, en effet, ne prenait le temps de rédiger que ses principaux travaux, en des mémoires, il est vrai, d'une grande richesse, mais dont le seul nombre ne donnerait qu'une faible idée de ce que fut l'ampleur de son oeuvre. Il faisait aussi chaque année, au long de ses leçons ou dans de passionnants séminaires, la mise au point magistrale des plus récents progrès de la physique. Ce que fut, pendant près de quarante années, cet enseignement, a été traduit avec émotion par celui qui, de tous ses auditeurs, fut sans doute le plus assidu, le grand mathématicien Jacques Hadamard :

« Par Langevin et — je puis dire — par lui seul, des hommes comme moi, qui ne suivaient pas le détail des mémoires et des discussions, ont été tenus au courant de la marche, ou plutôt de la course folle de la physique contemporaine... Cet enseignement fut peut-être le plus magistral que j'aie connu, parmi les très grands maîtres qu'il m'a été donné d'entendre... L'idée maîtresse était toujours mise en lumière, en même temps que, sans un seul développement inutile et sans jamais la faire perdre de vue, les conséquences en étaient déduites avec toute la rigueur désirable. Un des aspects les moins impressionnants ne fut pas pour moi la sûreté et la puissance avec laquelle le maître utilisait l'outil mathématique. Avouerai-je que nous, mathématiciens, avions souvent à apprendre de Langevin? Et, à travers cette précision scientifique, on sentait une flamme, flamme alimentée par l'amour de la science, mais dont le rayonnement faisait, à travers le savant, deviner l'homme que nous avons connu, pénétré de toutes les idées générales et généreuses... »[1].

  1. Jacques Hadamard, Paul Langevin au Collège de France, « La Pensée », n° 12, 1947, p. 31.