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LA LIBERTÉ DU THÉATHE

butions simples et nettes. Pour avoir mis le pied hors de ce cercle étroit, ils ne savent plus où s’arrêter ; comme protecteurs de la décence, ils se sont immiscés dans les questions de morale et de philosophie ; comme protecteurs de l’ordre public, ils ne veulent pas qu’on siffle dans les rangs ; ils se croient responsables de la chute des pièces, et de cette responsabilité se font un droit de collaboration, révisant le style[1], rayant certains mots qui ont encouru leur disgrâce, donnant des conseils dans l’intérêt de l’ouvrage, imposant des dénouements de leur cru… et quels dénouements ! N’exigeaient-ils pas que, dans les Lionnes pauvres, Séraphine, entre le quatrième et le cinquième acte, fût victime de la petite vérole, châtiment naturel de sa perversité ? À cette con-

  1. Il y a beaucoup de vérité flans cette préface des Lionnes pauvres qu’on pourrait croire écrite dans un moment d’humeur. Le gouvernement s’inquiétait de la pureté du langage dramatique, comme le prouve cette curieuse circulaire, adressée., le 24 avril 1858 aux directeurs de théâtre : « Je vois avec regret s’introduire de plus en plus dans le langage du théâtre l’usage des locutions vulgaires et brutales et de certains termes grossiers empruntés à l’argot. C’est là un nouvel élément de bas comique dont le bon goût se choque et qu’il ne m’est pas permis de tolérer davantage. « La commission de censure vient de recevoir à ce sujet des instructions sévères, et je m’empresse de vous en prévenir en vous priant de me seconder par votre légitime influence. Toutes les œuvres dramatiques ne sont pas, sans doute, assujetties à la même pureté de langage ; la diversité des genres implique et autorise la diversité des formes ; mais pour les théâtres même les plus frivoles, il est des règles et des limites dont on ne saurait s’écarter sans inconvénient et sans inconvenances. » — Conf. Le Senne, p. 18.)