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Page:Cajot - Éloge de l’âne.djvu/82

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mort de gras fondu : ils n’ont pas même d’indigestions. L’âne doit cet avantage à sa sobriété ; frugal dans ses repas, il ne mange rien de ce qui sait pouvoir lui être nuisible ; il ne prend de nourriture, qu’autant qu’il en a besoin pour vivre. Peu friand, il mange tout ce qu’on lui donne[1]. Sa boisson est le seul objet sur lequel il est d’une délicatesse extrême : il ne veut que de l’eau bien nette, bien claire ; il se passera plutôt de boire une journée entière, que de se désaltérer dans des bourbiers, dans des marais : tel est l’âne dans ses repas, un chardon encore vert, une source d’eau pure, voilà son nectar, voilà son ambroisie.

Il est aisé de voir qu’on peut régaler l’âne à peu de frais, c’est ce qui a fait dire au judicieux auteur du spectacle de la nature, que l’âne est le moins coûteux et

  1. Diogène Laerce dit que Chrysippe voyant un âne qui mangeait de bon appétit un plat de figues, fit apporter du vin dans un seau, afin qu’il ne mangeât pas sans boire. L’âne en ayant bu cinq ou six pintes en deux traits, Chrysippe y prit tant de plaisir, qu’il en mourût à force de rire : c’était mourir à bon marché.