Je n’y sens plus rien.
Permettez, monseigneur, que j’embrasse vos genoux. Combien je suis charmé de cette heureuse fortune ! Votre salut nous rend la vie à tous.
Maintenant votre altesse peut se retirer dans cette chambre, on y a tout disposé pour le mieux.
Non, je veux partir. Don Arias, donne-moi un cheval ; donne-moi un cheval, don Diègue. Quittons ces lieux promptement.
Que dites-vous ?
Que l’on me donne un cheval.
Mais, seigneur…
Considérez, je vous prie.
Ah ! vous ignorez l’un et l’autre ce qui se passe dans mon cœur, vous ignorez tout ce qu’il souffre. (À doña Mencia.) Pourquoi le ciel n’a-t-il pas voulu que je fusse brisé dans cette chute ! Je n’éprouverais pas ces tourmens, cette rage ; je ne vous aurais pas vue pour apprendre de vous que vous appartenez à un autre ; je ne serais pas en proie à la plus horrible jalousie. Ah ! doña Mencia, devais-je m’attendre à une telle conduite de votre part ?
Mais, seigneur, en vérité, celui qui entendrait votre altesse, ses plaintes, ses mépris, ses injures, n’aurait pas de peine à concevoir des pensées défavorables à mon honneur. Cependant je n’ai nul reproche à me faire ; et quand vous m’accusez, il m’est facile de vous répondre. Votre altesse, libérale de ses désirs, généreuse de ses goûts, prodigue de ses affections, jeta les yeux sur moi ; distinction glorieuse, je l’avoue ; mais elle peut aussi se souvenir que, durant plusieurs années, je n’ai pas cessé un moment de résister à ses hommages et à ses séductions ; car si je n’étais pas d’un rang à être son épouse, j’étais aussi d’un rang à n’être pas sa maîtresse ; et c’est pourquoi je me suis mariée à un autre. — Maintenant que je me suis disculpée sur ce point, permettez, seigneur, que je vous supplie en grâce et humblement de ne pas vous remettre sitôt en chemin ; il y a trop de péril pour vous à partir.