Je vous le dirai quand nous serons seuls.
Que tout le monde s’éloigne. (Gil et les brigands sortent.) Maintenant nous sommes seuls, et ces arbres seuls nous entendent. Découvrez-vous donc le visage, et répondez-moi : Qui êtes-vous ? où allez-vous ? que cherchez-vous ? Parlez.
Pour t’apprendre en même temps et qui je suis et ce que je veux, tire ton épée ; et tu sauras par là que je suis quelqu’un qui est venu te tuer.
Je réponds comme je dois à cette provocation, en avouant que ta voix ne me faisait pas craindre de ta part un semblable dessein.
Défends-toi, perfide et lâche, défends-toi ! et tu auras bientôt reçu le châtiment que tu mérites.
Je ne ferai que me défendre ; car je ne vois pas quel intérêt je puis avoir à ta mort, ni de quel intérêt la mienne peut être pour toi. Découvre-toi donc maintenant, je te prie.
C’est bien dit ; car dans les vengeances de l’honneur, l’offensé n’est satisfait qu’autant que l’offenseur connaît de qui lui vient son châtiment. (Elle se découvre.) Eh bien ! me reconnais-tu ?
Je demeure interdit. Je ne sais à quelle pensée m’arrêter. Livré à mille doutes contraires, je suis épouvanté de ce que je vois.
Tu m’as vue à présent ?
Oui ! et j’éprouve de tels sentimens à ton aspect, que tout ce que j’aurais donné il n’y a qu’un moment pour te voir, je le donnerais maintenant pour ne t’avoir pas vue. Toi, Julia, dans cette montagne ?… Toi ici, sous ce déguisement profane ?… Comment donc es-tu venue seule ?…
C’est la conséquence de tes mépris et de mon désabusement ; et pour que tu saches bien que rien ne peut arrêter une femme blessée dans sa fierté, écoute : Non seulement je ne me repens pas des péchés que j’ai déjà commis, mais je suis prête à en commettre d’autres. — J’ai quitté le couvent, je suis venue à la montagne, et un berger m’ayant dit que je suivais une mauvaise route, j’ai craint qu’il ne vînt à me trahir, et m’étant emparée d’un couteau qu’il portait à la ceinture, je lui ai donné la mort. — Le lendemain, un voyageur qui m’avait prise en croupe sur son cheval ayant voulu