Qu’il meure ! qu’il meure !
Remarquez, mes amis…
Quoi ! vous le défendez !… Vous nous trahissez !
Moi, trahir !… On me soupçonne !… Hélas ! vous voyez, Eusebio ; je voudrais en vain vous sauver !
Ôtez-vous de devant moi, seigneur Curcio ; ôtez-vous, de grâce, car votre présence me trouble, et votre personne serait le bouclier de ces hommes.
Oh ! si je pouvais aux dépens de ma vie sauver la tienne, Eusebio !… Le voilà dans la montagne… Il descend vers la vallée… Il est couvert de blessures… Volons à son secours… car il me semble que ce sang qui coule est le mien. Autrement il ne m’appellerait pas… ou je n’entendrais pas sa voix !
Scène III.
Précipité du haut de la montagne, j’ai eu peine à trouver la terre. Bientôt je vais mourir. Et en considérant ma triste existence, ce qui me tourmente et m’afflige, ce n’est point de perdre la vie ; c’est de savoir comment avec ma seule vie je pourrai payer tant de fautes !… Voilà que la troupe ennemie, insatiable de vengeance, se met de nouveau à ma poursuite. Puisqu’il m’est impossible d’échapper, je mourrai en combattant… Je ferais mieux peut-être d’aller en un lieu où je puisse demander pardon au ciel ; mais non, arrêtons-nous devant cette croix : ils me donneront plus tôt la mort, et, cependant, elle me donnera la vie éternelle. (Il s’adresse à la Croix.) Arbre sur lequel le Ciel a placé le fruit véritable qui devait nous dédommager de ce fruit trompeur qui le premier perdit les hommes ! Fleur charmante du nouveau paradis ! Vigne fertile et toujours verdoyante ! Arc brillant de lumière dont l’apparition merveilleuse annonça la paix du monde ! Harpe du nouveau David ! Table d’un second Moïse ! je suis un pauvre pécheur qui réclame ta protection comme une justice, car Dieu n’est mort sur ton bois sacré que pour le salut des pécheurs ; et c’est pourquoi, par cela même que je suis un pécheur, tu me dois ta protection. Croix sainte, que