Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome I.djvu/306

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
272
DE MAL EN PIS.


Scène II.

Une autre chambre.
Entrent LE GOUVERNEUR et FÉLIX.
le gouverneur.

Vous allez. Félix, vous rendre à Naples le plus promptement possible, et vous direz à don Alfonse comme quoi j’ai sa fille Flerida dans ma maison et don César à la tour.

félix.

Oui, monseigneur, j’irai ; mais avant, permettez que je vous soumette un doute.

le gouverneur.

Lequel ?

félix.

Je ne suis pas entré avec vous dans le jardin pour que le seigneur don César et ma jeune maîtresse ne soupçonnassent point que c’était moi qui vous avais averti. Pendant que j’attendais en dehors il en est sorti une femme. Mais il ne serait pas impossible enfin que cette femme ne fût pas elle : car il est facile de s’y tromper avec une femme qui a le visage couvert de sa mante et qui ne parle pas. Je l’ai vue ; mais je n’ai pas la certitude qu’elle soit ma maîtresse ; et aller là-bas le dire à son père sans avoir cette certitude, ce serait risquer de commettre une faute irréparable.

le gouverneur.

J’approuve votre prudence. Attendez un moment. Je vais l’appeler, et vous vous assurerez du fait.

félix.

Je veux bien, mais je crains, monseigneur…

le gouverneur.

Que craignez-vous ?

félix.

Un autre inconvénient par rapport à moi.

le gouverneur.

Lequel ?

félix.

Si madame me voyait, elle devinerait que j’ai été à sa poursuite ; elle se plaindrait de ma fidélité et me détesterait ; et je ne veux pas être détesté d’une personne que je dois servir.

le gouverneur.

Comment vous assurer alors si c’est elle ou si ce n’est pas elle ?

félix.

S’il y avait un moyen, seigneur, que je la visse sans être vu d’elle, mon doute se dissiperait sans danger pour moi.

le gouverneur.

Eh bien ! soit, venez avec moi. — Mais non, ma fille est là, votre maîtresse doit être avec elle. Regardez.