Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome I.djvu/395

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dération et du devoir. Rien ne le prouve mieux que ce peuple partagé en deux partis contraires, et qui fait retentir les échos des montagnes des noms répétés d’Astolfe et de Sigismond. Ces lieux affreux, rendus plus affreux encore par la présence de ce peuple en fureur, seront le théâtre de quelque sanglante tragédie dont nous menace la fortune.

astolfe.

Seigneur, que toute fête soit remise à un autre jour ; renvoyons à un moment plus favorable le bonheur que vous m’aviez promis. Si la Pologne, que j’espère plus tard gouverner, se refuse à mon autorité, c’est sans doute afin que je commence par mériter cet honneur. Donnez-moi un cheval, et je descends parmi les insurgés, aussi prompt que l’éclair qui précède le tonnerre.

Il sort.
le roi.

Il n’y a aucun moyen d’empêcher ce que veulent les destins, et ce qu’ils ont annoncé doit s’accomplir. Il est impossible d’éviter ce qui doit être, et vouloir s’opposer à son malheur ne sert qu’à le hâter. Quelle affreuse loi ! quel sort funeste ! quelle déplorable disgrâce que de tomber dans le péril en voulant le fuir ! Et moi, hélas ! avec mes précautions, je me suis perdu et j’ai causé la ruine de mon pays !


Entre ESTRELLA.
estrella.

Si par votre présence, noble seigneur, vous n’essayez d’arrêter le tumulte que causent dans la ville les deux partis qui la divisent, vous verrez bientôt tout votre royaume à feu et à sang. Déjà les maux qu’ils ont causés sont immenses, et l’on ne voit et n’entend partout que lamentables malheurs et tragédies horribles. Encore quelque temps, et tous les plus beaux monuments de ce royaume désolé ne pourront plus servir à un peuple détruit, que de tombeaux.


Entre CLOTALDO.
clotaldo.

Grâce a Dieu ! j’arrive vivant à vos pieds.

le roi.

C’est vous, Clotaldo ! Qu’est devenu Sigismond ?

clotaldo.

Un peuple déchaîné et furieux a pénétré dans la tour et en a fait sortir le prince, qui, se voyant libre, a annoncé fièrement que la prédiction des astres allait s’accomplir.

le roi.

Qu’on me donne un cheval ! Je veux en personne réduire un fils ingrat ; je veux, en personne, défendre mon trône, et mon épée va réparer l’erreur de ma science.

Il sort.