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JOURNÉE II, SCÈNE I.

don félix.

J’ai voulu seulement vous dire, Laura, que j’attends dans la rue qu’il soit l’heure de vous parler, pour qu’après vous ne me disiez pas que je viens d’une autre maison lorsque je viens vous voir. Ainsi je retourne à mon poste.

laura.

Oui, retournez-y, et au plus tôt. Quand mon père sera rentré et retiré dans son appartement, nous pourrons causer à notre aise. Je suis troublée… Je crois qu’il soupçonne notre amour… Tous ces jours-ci il n’a fait qu’aller et venir, et même tout-à-l’heure il a pris la clef de cette porte. (À part.) Il fallait bien mentir pour assurer la sortie de ce cavalier qui est là.

don félix.

Afin de dissiper vos craintes, je m’en vais. — Je serai dans la rue.

fabio, du dehors.

Holà ! qu’on m’éclaire !

laura.

Ciel ! voici mon père !

celia.

Oui, madame, c’est lui !

Celia prend un flambeau et sort.
don félix.

Eh bien ! Laura ?

laura.

Quand je vous le disais !

don félix.

Puisque votre père a pris la clef de cette porte, je n’ai plus par où sortir. Ainsi je vais me cacher dans cette pièce.

Il ouvre la porte de la pièce voisine où est Lisardo. Laura l’empêche d’y entrer.
laura.

Non ! n’entrez pas par là, don Félix.

don félix.

Pourquoi ?

laura.

Parce que mon père passe toujours une partie de la nuit à écrire dans cette chambre.

don félix.

Vive Dieu ! cela n’est pas. Vous avez un autre motif pour m’empêcher d’entrer ; et ce motif, je le sais. J’ai vu là, là-dedans, en entr’ouvrant la porte, à travers l’obscurité, — un homme !

laura.

Vous vous trompez, don Félix.

don félix.

J’en suis certain, madame ; il y a là un homme et cet homme, je veux le voir.