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Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome II.djvu/216

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À OUTRAGE SECRET VENGEANCE SECRÈTE

n’était pas loin, me voyant le porter ainsi à ma bouche, s’imagina que c’était quelque chose de bon à manger. Il s’élança du haut du rocher, fondit sur moi, m’enleva le ruban des mains, et puis s’en retourna dans son aire. Moi, je résolus soudain de lui donner l’assaut ; mais ne pouvant trouver un chaudron pour mettre sur ma tête, je fus obligé d’y renoncer. Depuis lors, malgré tous mes efforts et toutes mes recherches, il m’a été impossible de retrouver ni l’un ni l’autre. Voilà, Syrène, l’histoire de l’aigle et du ruban vert.

syrène.

Cela est bizarre.

manrique.

N’est-ce pas ?

syrène.

Oui ; mais il m’est arrivé mieux que cela à moi.

manrique.

J’ai peine à le croire.

syrène.

Écoutez, et vous verrez. — J’étais un de ces jours passés, le matin, dans la campagne, sans penser à vous ni à mon malheur, — lorsque je vis voler un aigle qui laissa tomber quelque chose. Je m’approchai et trouvai parmi les fleurs le ruban. C’était votre aigle, qui avait reconnu sans doute que le ruban n’était pas bon à manger. — (Elle lui montre le ruban.) Regardez si c’est bien le même.

manrique.

C’est une curieuse aventure, en vérité.

syrène.

Et la vengeance sera plus curieuse encore.

manrique.

Il vaut mieux la laisser pour plus tard, Syrène ; voici votre maîtresse qui sort.

Il se retire.


Entre LÉONOR.
léonor.

Syrène ?

syrène.

Madame ?

léonor.

Je suis bien triste.

syrène.

Pour quel motif, madame ?… Est-ce que vous ne me le direz pas, à moi ?

léonor.

Si fait, je puis me confier à ta discrétion, à ton attachement. Si tu savais !…

syrène.

Qu’y a-t-il donc, madame ?