arrêtons pas davantage. Demain, dès que l’aurore aura versé ces larmes brillantes qui en tombant dans la mer s’y transforment en perles précieuses, que toute l’armée prenne la route de Berja. Mon cœur ardent et indompté ne pourra goûter de repos que lorsque je verrai à mes pieds Aben-Huméya mort ou vaincu.
Si vous voulez, seigneur, faire de Berja ce que vous avez fait de Galère, vous pouvez compter sur nous, et vous n’avez qu’à donner l’ordre du départ. Mais si j’ai bien compris la volonté du roi, il n’est pas dans ses intentions de détruire des gens qui, après tout, sont ses vassaux ; il ne veut de punitions que pour l’exemple, et il désire que les châtimens soient tempérés par le pardon[1].
Je suis de l’avis de don Lope ; il faut, monseigneur, vous montrer tout à la fois sévère et pitoyable. Vous avez fait voir aux rebelles le châtiment, qu’ils voient aujourd’hui le pardon ; que leur grâce témoigne de votre générosité. Tempérez votre rigueur ; la clémence ajoutera à votre courage un nouveau lustre qu’il ne trouverait pas dans l’emploi de la force.
Mon frère m’ordonne, il est vrai, d’apaiser ces troubles ; mais je ne sais point prier sans armes. Cependant, puisqu’il me laisse le pouvoir de pardonner et de punir, le monde me sera témoin que désormais je réserverai le châtiment à la révolte, aux prières le pardon. — Don Juan !
Seigneur !
Allez à Berja, où se tient Fernand de Valor, et dites-lui de ma part que je vais marcher sur cette place. Vous annoncerez publiquement et la grâce et la punition, le bien comme le mal. Vous lui direz que s’il se rend à quartier, j’accorderai une amnistie a tous les rebelles, avec liberté de revenir vivre parmi nous dans les mêmes fonctions et le même état qu’ils remplissaient auparavant ; que pour aujourd’hui ma justice se contente de cette satisfaction ; mais que s’il refuse de se soumettre, je soufflerai sur Berja les cendres de Galère.
Je vais exécuter vos ordres.
Jamais le sac d’une ville n’a rapporté plus de profit. Il n’est pas un soldat qui ne soit riche.
- ↑ D’après l’histoire, Philippe II n’était nullement disposé à tant d’indulgence. Le 10 octobre 1569, il avait donné l’ordre de faire la guerre à feu et à sang (a sangre y fuego).