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LE GEÔLIER DE SOI-MÊME.

l’infante.

J’éprouve le plus vif désir de voir le prince que l’on a amené prisonnier.

hélène.

Est-ce que vous avez besoin de mon entremise pour cela ? — Étant qui vous êtes, vous avez tout droit ici.

l’infante.

Je désire le voir pour des motifs que vous saurez plus tard.

hélène.

Assez, ne m’en dites pas davantage. Si telle est votre volonté, j’ordonnerai qu’on laisse ouverte la porte du château, et qu’on laisse entrer la première personne qui se présentera.

l’infante.

Afin qu’on ne se doute de rien, je vais parcourir la forêt et chasser jusqu’à la nuit. De la sorte on croira que ç’a été là le motif de mon voyage. — Ah ! ma cousine, déjà près de vous mes chagrins ont disparu, et mes larmes se sont arrêtées. Je vous dois la vie. Adieu.

Elle sort.
hélène.

Dieu me soit en aide !… Pourquoi donc me fait-elle de si vifs remerciemens ?… Mais j’aurai bientôt pénétré ce mystère.


Entre FRÉDÉRIC.
frédéric.

Madame, le prince est enfermé dans la tour.

hélène.

Écoutez. J’ai deux mots importans à vous dire, et j’attends de vous un service.

frédéric.

Parlez, madame ; quoi que ce soit, vous êtes obéie.

hélène.

Sous prétexte de chasser dans la forêt, l’infante Marguerite est venue, et elle désire avoir un moment d’entretien avec le prince. Il y a là-dessous quelque amour, j’imagine, et je voudrais m’en assurer. C’est une folle curiosité ; mais enfin je suis femme… Eh bien ! voici ce que je vous demande : c’est que vous vous placiez en un lieu d’où vous puissiez tout entendre, et, ne l’oubliez pas, — vous me rapporterez leurs paroles mêmes.

frédéric.

J’y ferai tous mes efforts.

hélène.

Je veux savoir d’où viennent ses relations avec un traître, et si, du moins, l’amour la justifie. — Il y va de ma vie et de mon honneur.

Elle sort.
frédéric.

Quelle situation est la mienne !… Quelles sont donc, ô ciel ! toutes