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LE PIRE N’EST PAS TOUJOURS CERTAIN.

don pèdre.

Une infâme qui est cachée là.

béatrix.

Un moment ! est-ce de Léonor que vous parlez ?

don pèdre.

Et qui donc pourrait m’émouvoir à ce point ?

béatrix, à part.

À merveille ! après don Carlos et don Diègue, il ne nous manquait plus qu’un troisième amant aux cheveux blancs ! Si encore celui-ci pouvait mettre la paix entre les deux autres ! (Haut.) Quels que soient vos motifs, que je ne puis pénétrer, quelle que soit l’injure dont vous vouliez tirer vengeance, comment avez-vous osé entrer ici ?

don pèdre.

Ma situation doit m’excuser. Elle justifierait plus encore. Ainsi, madame, pardonnez si je ne vous témoigne pas plus d’égards.

béatrix.

Vous vous trompez, seigneur, si vous pensez qu’il ne se trouvera pas dans cette maison un homme qui…


Entre DON JUAN.
don juan.

Qu’est ceci ?

béatrix.

Ce que c’est, mon frère ? — C’est ce vieux cavalier, qui, lui aussi, vient chercher Léonor, et s’amuse à briser toutes nos portes.

don juan.

Doucement, Béatrix. Vous n’avez pas à vous plaindre. Le seigneur don Pèdre n’a point tort : il est le maître de la maison, et tout ici est à son service.

don pèdre.

Seigneur don Juan, trêve de vains complimens. Je ne suis ni ne veux être le maître chez vous. Je suis un étranger qui s’est confié à vous, et qui, venant pour vous parler, trouve ma fille dans votre maison, — là, — cachée. Ouvrez, de grâce, ou bien j’ouvrirai moi-même en jetant la porte à bas.

béatrix, à part.

C’est son père !

don juan, à part.

Que faire ? que dire, puisqu’il l’a vue ?

don pèdre.

Eh bien ! que résolvez-vous ?

don juan.

Certes, seigneur don Pèdre… (À part.) Je serai trop heureux si je puis me tirer de là. (Haut.) Oui, certes, vous me montrez un