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LOUIS PEREZ DE GALICE.

(LUIS PEREZ EL GALLEGO.)


NOTICE.


Louis Perez de Galice est une comédie historique. D’après un passage de la pièce où il est question de l’expédition de la fameuse Armada contre l’Angleterre, il paraîtrait que le personnage principal aurait vécu dans la seconde moitié du seizième siècle, et il faudrait placer la date de l’action à l’année 1588.

Louis Perez, le héros de la pièce, est ce que les Espagnols appellent un bandolero, un homme qui, par suite de démêlés avec la justice, a quitté la ville pour vivre dans la montagne ou dans la forêt (en el monte), et qui se procure ses moyens d’existence en prélevant un emprunt sur chaque voyageur qui passe. Mais, hâtons-nous de le dire, ce sont des circonstances malheureuses, et non de mauvais instincts ou de mauvaises actions, qui ont jeté Louis Perez dans la vie du bandolero. Et son courage intrépide, son audace sans égale, son sang-froid dans les périls, sa reconnaissance et son dévouement envers ceux qui lui ont rendu quelque service, enfin l’abnégation généreuse avec laquelle il est toujours prêt à risquer sa vie pour secourir le faible et l’opprimé, l’rélèvent à des proportions heroïques et commandent en sa faveur une sorte d’intérêt.

Pour bien comprendre un semblable personnage et tout ce qu’il a de réel et de vivant, il faut se rappeler le caractère espagnol, les influences sous lesquelles il s’est développé, et en particulier la longue lutte de ce peuple contre les Arabes, la configuration géographique de la péninsule, etc., etc. On s’explique alors comment les Espagnols, surtout les Espagnols des montagnes, saisissent avec empressement toutes les occasions, quelles qu’elles soient, de donner satisfaction à leurs instincts guerriers ; comment des sentiments élevés se rencontrent chez des hommes qui mènent une existence criminelle ; comment une certaine probité et une certaine délicatesse peuvent résister à des habitudes de pillage, etc., etc. Pour l’appréciation de ces vues nous nous en rapportons pleinement, comme pour tout le reste, au jugement du lecteur.

Le rôle de Louis Perez, quoique le plus important de la pièce, n’est cependant pas le seul. Le rôle du juge était d’une difficulté extrême, et Calderon l’a tracé avec un art infini. Tout le rôle de Pedro et ses rencontres continuelles avec Louis Perez, qu’il redoute et qu’il fuit, sont du meilleur comique. Enfin il y a dans le caractère d’Isabelle une résolution qui annonce la digne sœur de Perez, et dans celui de Juana quelques traits d’une douceur charmante.

On remarquera sans doute le passage où Juana dit à Manuel : « Lorsque j’ai quitté pour toi mon pays et ma famille, je m’attendais à tous les malheurs. Je n’ai pas quitté le Portugal pour vivre dans telle ou telle contrée, mais seulement pour vivre avec toi. » N’est-ce pas là le langage de l’amour le plus tendre et le plus dévoué ?

Quant à don Alonzo et à Manuel, ils poussent un peu loin, le dernier surtout, leur reconnaissance envers Louis Perez. Qu’ils le protègent, qu’ils le secou-