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JOURNÉE II, SCÈNE II.

urrèa.

Un infortuné qui, prosterné à vos pieds, sire, vous demande justice.

le roi.

Vous m’êtes déjà connu, Lope ; c’est vous qui m’êtes venu implorer pour votre fils déjà condamné et à qui j’ai fait grâce. Que voulez-vous ?

urrèa.

Je viens vous prier de le punir. Je suis, sire, un fidèle vassal ; et la même voix qui naguère vous a demandé grâce, aujourd’hui vous demande justice. Mon fils, si toutefois un monstre est mon fils… (Que doña Blanca me pardonne ces paroles, qui ne sauraient atteindre sa vertu, plus pure que le soleil !) mon fils s’est rendu coupable contre Dieu, contre vous et contre moi. Manquant à ce commandement sacré, qui est le premier après ceux de l’Église, il a osé porter la main sur mon visage, et comme je ne puis moi-même me venger, je viens me plaindre à vous du criminel. Et si quand je vous ai demandé sa grâce vous me l’avez accordée, à cette heure que je vous demande justice, vous ne me la refuserez pas ; car autrement j’en appellerais de vous au ciel… Que le monde sache par là et que les hommes apprennent qu’un fils qui traite son père avec cruauté rend son père cruel.

Il sort.
le roi.

Mendo ?

don mendo.

Sire ?

le roi.

Puisque vous êtes mon grand justicier, ceci vous regarde. Disposez de tout mon pouvoir, que je vous confie pour opérer l’arrestation de cet homme, et ne vous présentez devant moi que lorsqu’il sera arrêté.

don mendo.

Je vais, sire, m’en occuper sans retard, et je ferai toutes les diligences possibles.

le roi.

N’oubliez pas que cela m’importe plus que vous ne pensez.

don mendo.

Pour quel motif, sire ?

le roi.

Par le motif qu’en réfléchissant sur cet événement, je ne vois pas dans l’histoire qu’il y ait eu un autre roi devant qui l’on ait porté une semblable plainte.

don mendo, à part.

Que ferai-je ? Terrible imagination, que me veux-tu ? — Faudra-t-il donc que je prouve que l’offenseur n’est point le fils de l’offensé ?