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JOURNÉE II, SCÈNE I.

frères, More, chrétiens, ciel, terre, mer, tous sauront qu’aujourd’hui un prince, constant au milieu de ses infortunes, glorifie la foi catholique et rend hommage à la loi de Dieu : car ne serait-ce que parce que Ceuta contient une église consacrée à l’éternelle conception de la reine des cieux, vive la Vierge ! je perdrais mille fois la vie pour sa défense.

le roi.

Ingrat, sans nul égard pour ma grandeur et ma gloire, c’est ainsi que tu me refuses, c’est ainsi que tu m’enlèves ce que j’avais le plus souhaité !… Mais si je t’ai laissé plus de pouvoir dans mon royaume que tu n’en avais dans ton pays, il n’est pas étonnant que tu ne te sois pas aperçu de ta captivité. — Désormais, puisque toi-même tu t’appelles mon esclave et que tu reconnais mes droits, c’est comme esclave que tu seras traité. Que ton frère, que tes compatriotes te voient dès ce moment à mes pieds.

Don Fernand lui baise les pieds.
don henri.

Quel malheur !

muley.

Quel chagrin !

don henri.

Quelle honte !

don juan.

Quelle peine !

le roi.

Te voilà maintenant mon esclave.

don fernand.

Il est vrai : et en cela tu te venges faiblement… L’homme n’est sorti de la terre que pour faire à sa surface un court voyage ; et quelque soit le chemin qu’il prenne, il faut toujours qu’il finisse par rentrer dans son sein. Je te dois donc plus de reconnaissance que de haine, puisque tu m’indiques des chemins plus courts pour arriver au terme de ma route.

le roi.

Étant mon esclave, tu ne peux rien avoir à toi. Ceuta est aujourd’hui en ton pouvoir : si tu es mon esclave, si tu me reconnais pour maître, pourquoi ne pas me la donner ?

don fernand.

Parce que c’est à Dieu et non pas à moi qu’elle appartient.

le roi.

La loi de Dieu n’ordonne t-elle pas d’obéir à son maître ?… Eh bien, en vertu des droits que ce titre me confère, Je te commande de me rendre cette place.

don fernand.

Dieu ordonne au serviteur d’obéir à son maître en ce qui est juste,