Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome III.djvu/334

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
324
LE SCHISME D’ANGLETERRE.

moi ! cela n’est pas raisonnable, cela n’est pas juste… Doucement, s’il vous plaît. Qu’on m’attende !

denis.

C’est un fou que le roi aime beaucoup.

pasquin.

Je suis le galant des galants.

charles.

Est-il possible qu’un roi si sage s’entoure de fous et de bateleurs !

denis.

L’ayant rencontré dans un corridor du palais, j’ai demandé qui il était. Voila comme je l’ai appris. Il s’amuse à faire le prophète, et son plaisir, sa marotte, c’est de prédire les choses futures.

charles.

Voici que l’on entre.

pasquin.

Que les braves gens me fassent place, et au plus vite ! Un fou ici de plus ou de moins, cela ne gênera personne.

charles.

La reine est allée au devant d’elle… La reine Catherine est une femme céleste… En vérité, voilà une grande faveur !


Entrent d’un côté ANNE DE BOLEYN, THOMAS BOLEYN, un Capitaine et le Cortége ; et de l’autre la REINE, l’INFANTE MARIE et MARGUERITE POLE.
anne.

Si mon humilité mérite en ce jour une faveur si haute, que votre majesté me permette de lui baiser la main. Une fois que je tiendrai sur ma bouche cette main charmante, je pourrai défier le sort, et tous mes souhaits ambitieux seront satisfaits. Qu’elle vive toujours plus glorieuse l’auguste reine qui daigne m’accorder tant d’honneur ; qu’elle vive d’âge en âge autant que le soleil doit durer de siècles ; et puisse toujours briller auprès d’elle cette illustre infante, jeune et charmant phénix dans lequel s’est reproduite sa gloire !

la reine.

Venez, Anne, dans mes bras ; venez embrasser, non pas une reine, mais une amie. Levez-vous : ces vaines cérémonies ne peuvent plaire qu’à ces princes dont le cœur est rempli d’orgueil, et de telles marques de respect ne sont dues qu’à Dieu seul. Celui qui les accepte commet une véritable usurpation. Et surtout on ne peut les recevoir d’une personne dont la beauté merveilleuse annonce une prédilection particulière de Dieu. — Baisez la main à l’infante, et embrassez les dames.

anne.

Ô princesse et madame ! comment ai-je pu mériter de voir dans le même jour deux soleils ? car à peine l’un s’est-il retiré, que l’autre se montre à mes regards. — Daignez me donner votre main.